10 mars 2010

Quelques-uns dans le "système" commencent à sentir monter en eux une sainte trouille



... Et puis, quitte à faire dans l'avertissement, autant dire les choses un peu plus carrément encore. Le processus qui a fait muter la crise de finance privée en crise de finances publiques ne s'arrêtera pas en si bon chemin : l'étape d'après est celle qui fait tourner la crise de finances publiques en crise politique. Quelques-uns dans le "système" commencent à sentir monter en eux une sainte trouille, et l'on tiendra pour une indication très significative que de notoires ennemis de la finance comme MM. Dominique Stauss-Kahn et Jean-Claude Trichet se soient publiquement inquiétés de ce que les corps sociaux prendraient probablement très mal qu'on leur demandât de venir éponger une nouvelle crise financière. Le plus drôle, si l'on peut dire, tient au fait que non seulement l'hypothèse d'une "prochaine" n'est nullement à exclure mais qu'elle a toute chance de démarrer dans le compartiment des dettes publiques, en conséquence directe donc de la gestion de la crise précédente- il est vrai que ça va commencer à faire beaucoup.

Gageons que, pour calmer un peu le populo mécontent, les syndicats les plus institutionnalisés, faisant désormais partie, aux côtés de la droite et de la "gauche" social-démocrate, d'un bloc de pouvoir unifié de fait par-delà ses divisions secondes, organiseront quelques innocentes marches, si possible un jour de soleil, entre République et Nation, peut-^tre même des piques-niques. Il est cependant possible que l'option "promenade urbaine" ne soit plus suffisante et que le populo en question, un peu las de se promener, finisse par trouver qu'il en a également assez de se sentir promené.

Sans préjuger de ce qui pourrait se passer alors, et dont les Grecs nous donnerons peut-être bientôt un avant-goût, il est utile de se souvenir qu'un groupe qui n'est pas naturellement méchant ne le devient jamais autant qu'à force d'avoir été maltraité et surtout de se retrouver dans une situation de laquelle on ne cesse de lui répéter qu'il n'y a aucune issue- aucune autre que celle qui le maltraite. D'autres issues, il y en a (lire "Si le G20 voulait ..." et "Au-delà de la Grèce : déficit, dettes et monnaie", La pompe à phynances, blog.mondediplo.net, 18 septembre 32009 et 17 février 2010. ) Présentées avec un peu de fermeté, elles pourraient même prendre l'allure d'un contre-choc.

Frédéric LORDON, Le Monde diplomatique, mars 2010.

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