17 août 2010

La justice française extrade le journaliste-militant basque Jon Telleria


Paris extrade le militant basque Jon Telleria vers l'Espagne

La justice française a extradé jeudi vers l'Espagne le journaliste et militant basque Jon Telleria. Madrid le soupçonne d'être un dirigeant de la plateforme de jeunesse indépendantiste Segi, autorisée en France mais interdite depuis trois ans dans le royaume ibérique. Il risque douze ans de prison pour des activités uniquement politiques.

Jon Telleria travaille à Info Zazpi, radio d'information trilingue basée à Urrugne, petit village du Pays basque français à coté de Saint-Jean-de-Luz où il réside.

Jeudi, cet homme d'une trentaine d'années, sous la menace d'un mandat européen lancé par Madrid, a été arrêté chez lui par la police française et remis directement à la police espagnole. Le matin même, la cour d'appel de Pau donnait raison à la justice espagnole et rejetait le recours de Jon Telleria qui demandait l'annulation de son extradition.

La justice ibérique ne poursuit pas Telleria pour un attentat, ni pour détention d'armes, encore moins pour « complot de malfaiteurs ». Le militant a été extradé à la demande du juge de l'audience nationale espagnole Fernando Grande-Marlaska car ce dernier suspecte Telleria d'être un dirigeant de la plateforme politique indépendantiste Segi.

Autorisée en France, Segi est interdite en Espagne depuis janvier 2007 pour des liens supposés avec le parti politique Batasuna, lui même déclaré illégal en 2003 car suspecté d'être la vitrine politique de l'organisation armée ETA.
En mai, Paris extrade trois membres présumé de Segi

La justice espagnole reproche à Jon Telleria de faire de la politique : il a participé à des réunions politiques et à des conférences de presse, et tout particulièrement, en avril 2009, à la « Gazte martxa », une marche indépendantiste qui s'est tenue à Saint-Jean-Pied-de-Port sur le territoire français.

Bien que la nature des faits paraisse banale, en Espagne, l'appartenance à Segi est assimilée à du terrorisme et, comme une quarantaine de jeunes détenus par les autorités espagnoles depuis 2009, Telleria risque de passer douze ans à l'ombre des murs d'une prison ibérique.

Or, si la condamnation encourue est disproportionnée, l'extradition de Telleria n'est pourtant pas un cas unique et ne semble d'ailleurs pas préoccuper les autorités judiciaires françaises. En mai, Paris a déjà renvoyé vers le royaume ibérique trois militants basques de nationalité espagnole suspectés aussi d'appartenir à Segi : Asier Colona, Gaizka Likara et Carlos Renedo.
Londres et Rome contre l'extradition de militants basques

« La position de la France dans ce dossier est d'autant plus scandaleuse que la Grande-Bretagne et l'Italie n'ont pas donné suite à des demande analogues d'extradition », explique Txomin Catalogne, un jeune Basque français, dirigeant de Segi.

Hasard du calendrier, le jour de l'arrestation de Jon Telleria, les autorités britanniques ont refusé l'extradition du Basque Garikoitz Ibarlucea Murua, jugeant « disproportionnée » la condamnation encourue par ce jeune militant en Espagne.

Ces dernières semaines, les autorités italiennes ont également refusé la demande d'extradition de trois jeunes Basques espagnols, estimant, de leur coté, qu'à part leur appartenance à Segi, aucun délit ne leur était reproché dans le dossier fourni par la justice espagnole.

En juin 2010, Fermin Martinez, Artzai Santesteban et Zurine Gogenola avaient été interpellés à Rome alors qu'ils allaient tenir une conférence de presse devant le parlement italien, au moment même où le chef du gouvernement espagnol José Luis Zapatero rencontrait son homologue italien Silvio Berlusconi.
« Assimiler Segi à ETA tient de l'acharnement »

« Aujourd'hui, assimiler le groupe politique Segi à ETA tient de l'acharnement de la part du gouvernement espagnol et rentre dans une stratégie populiste permanente », explique Txomin Catalogne.

La plateforme de jeunes indépendantistes se contente de coller des affiches, d'organiser des manifestations et des concerts à caractère politique.

Autre élément important : ETA n'a pas commis un attentat depuis plus d'un an, épuisé militairement et discrédité politiquement dans le camp même de la gauche indépendantiste basque. Pour les experts de la question, la fin de l'organisation armée semble proche.

Voilà pourquoi, dans la gauche basque indépendantiste, on comprend d'autant moins cette logique de répression accrue au sein de la jeunesse militante.

Par Jean Sébastien Mora / Journaliste/Rue89/13 août 2010

tableau de Carlos Pradal, Ignacia courant

9 août 2010

casse toi pauv'con


Brusquée par l'opinion, Sa Majesté eut des vertiges. On lui reprochait encore d'avoir insulté vertement un malotru; son "casse-toi, pauv'con!" n'en finissait point de lui revenir en boomerang. Tout semblait bon pour l'exaspérer. Quelques hostiles avaient fouillé les archives pour ressusciter les répliques brûlantes des prédécesseurs de Sa Majesté en de semblables circonstances. Lorsque le roi Chirac se fit traiter de connard par un excédé, il lui tendit la main : "Enchanté! moi c'est Jacques Chirac;" Autre repartie qui cinglait, celle du roi Mitterrand; un homme braillait "Mitterrand, fous l'camp!"; se tournant, le roi ne lâcha que deux mots en forme de commentaire : "Rime pauvre". Notre Fureux Leader n'avait pas davantage la classe que la cote, aussi s'emportait-il souvent à huis clos : "Y m'trouvent vulgaire, hein, c'est ça? Comme je suis pas riche, j'aurais pas l'droit au luxe et aux grosses montres ? ça les dérange, avec leurs châteaux hérités, leurs hôtels particuliers et leur magot bien planqué!" Disant cela, Le Prince ne se rendait pas compte qu'il traçait le portrait de Madame, laquelle avait hérité, possédait de l'argent et des biens de famille, mais il ne s'agissait pas de le lui faire remarquer sinon i lvous fusillait, d'abord du regard.

(...)

La fin de cet été d'agitation fut désolante et le ciel se couvrit de nuages de grêle. On eût dit que la nature se vengeait de la suffisance des hommes. Les cyclones se levèrent en série, les tempêtes tropicales secouèrent les palmiers, la boue coulait des pentes sottement déboisées; l'Inde, Haïti, le Vietnam et la Grande Bretagne furent inondés, des récoltes dévastées, puis vint le choléra. La rouille noire du blé se propagea de l'Ouganda jusqu'en Iran et au Yémen, et il y eut une alerte car elle menaçait l'Est tout entier; ce champignon tueur avait naguère servi d'arme biologique aux Américains, qui s'en servaient contre les Russes, mais désormais bien vivace il se propageait seul et suivait les vents dominants. Les abeilles mouraient par centaines de milliers, les cultures sans pollen dépérissaient ; on s'en soucia en s'apercevant que leur diminution nous avait déjà fait perdre cent cinquante-trois milliards d'euros. Les matières premières se mirent à flamber. Il y eut des émeutes de la faim puisque le blé, le soja et le riz devenaient rares. Un vent de pestilence se levait autour de la planète. On disait qu'un bébé américain, en naissant, devait déjà cinquante-quatre mille dollars à son banquier. Pauvre petit, pauvres de nous, pauvres cons.

Patrick RAMBAUD, Deuxième chronique du règne de Nicolas Ier.

6 août 2010

Edward Burtynsky










le règne de Nicolas Ier


Affirmer son arrogance ne gênait pas Sa Majesté, ni même revenir brutalement sur d'anciennes promesses. Ainsi, Notre Monarque Electif avait été choisi parce qu'il affirmait être le seul à pouvoir augmenter le niveau de la vie, dès qu'il serait assis sur son trône, or, ce jour-là, sur un air d'évidence, il avoua avec désinvolture :"Qu'attendez-vous de moi , Que je vide des caisses déjà vides ?" Il n'ajouta point qu'il avait contribué à assécher ce qui restait du Trésor par ses gaspillages. Notre Confondant Leader entendait dompter les chiffres comme les hommes. Qu'entendait-il ? Que la croissance décroissait ? Que les chiffres en attestaient? "Eh bien, disait-il, changeons ces mauvais chiffres en bons chiffres." Aussitôt, Sa Majesté sa sachant entourée d'incapables choisis d'abord pout leur servilité, confia une mission à deux experts internationaux, un Hindou et un Américain, afin qu'ils inventassent un nouvel instrument à mesurer la croissance. Ainsi, pour ne pas avoir l'air de prendre du poids, certains truquaient-ils leur balance.

Cependant, après huit mois de règne, les inégalités augmentaient, les modestes devenaient pauvres et les pauvres maigrissaient, mais peu importait aux yeux de Notre Prince Intrépide qui ne fit jamais un geste pour soulager les dépossédés, les délaissés, les sans-logis et les sans-pain; il préférait sangloter sur les malheurs du bout du monde, et un coup de grisou en Chine l'émouvait bien autrement que la mort d'une clocharde à cent mètres du Château. Quand un audacieux osait rapporter quelques plaintes du peuple, Sa Majesté rugissait : "Ces feignasses ont qu'à travailler plus!"Et les courtisans d'entonner le fameux hymne des heures supplémentaires, affirmant que cinq millions de sujets y avaient eu recours, sans qu'on sût d'où venait ce calcul, alors que des économistes révélaient qu'elles ne rapportèrent pas plus de vingt euros par mois aux chanceux qui purent en user. Notre Valeureux Prince décréta que limiter le temps de travail était une hérésie, que l'homme était né pour trimer depuis qu'il fut chassé du Paradis terrestre, quitte à périr d'une crise cardiaque et laisser ainsi sa place à d'autres galériens puisque le navire devait avancer coûte que coûte, qu'on devrait travailler trente-cinq heures par jour, que les règlements paresseux, mis en vigueur du temps que le Parti social gouvernait, il les jetterait au feu, que les patrons et leurs employés devaient s'accorder sur un nombre sans limites de ces heures en surcroît, et Notre Leaider Inspiré improvisa là-dessus une loi qui figurait déjà dans le Code du travail à l'article L.212-6. Brassant de l'air, concoctant des lois comme un paon étale ses plumes, Notre Grand Actif espérait consolider sa réputation de faiseur; sa devise revenait sans relâche pour le justifier : "Les Français, y m'ont pas élu pour que j'me tourne les pouces!"
Patrick RAMBAUD, Deuxième chronique du règne de Nicolas Ier.