28 mai 2010

l'autre économie



Nous voilà arrivés au terme de notre étude de l'économie capitaliste. Citons notre témoin à charge dont les remontrances, sont nombreuses.
Le productivisme acharné de l'économie capitaliste entraine des pollutions grandissantes, accroît l'effet de serre, perturbe les climats, transforme la terre en vaste bidonville, favorise la diffusion des virus, des épidémies.
Les inégalités s'accroissent de façon monstrueuse. Pauvreté et chômage de masse cohabitent avec une richesse extrême.
La compétition et la marchandisation de tous les rapports humains, de la famille, de l'éducation, du sport, de la culture détruisent tout lien social. Les individus manipulés par la publicité, soumis à l'abrutissement médiatique, aliénés dans le stress et l'alcoolisme du travail pour les heureux, passent à côté de leur vie.
La corruption généralisée s'installe, les mafias et les tribus dominantes, les vieilles figures de l'honneur, du désintéressement, de la noblesse disparaissent au profit de la cupidité et de la vénalité généralisées.
Et la liste serait encore longue...

La parole à la défense
"L'espérance de vie augmente dans tous les pays. La culture est lieux diffusée, la santé meilleure qu'autrefois. L'analphabétisme disparaît. Certes, certains pays sont mieux dotés que d'autres : mais l'émergence de pays comme l'Inde ou la Chine, l'Inde notamment qui a pratiquement résolu son problème endémique de malnutrition, laisse augurer de lendemains qui chantent"
Oui, le capitalisme détruit, et souvent de façon irréversible. Mais la disparition des ours et des loups n'est-elle pas compensée par l'allongement de l'espérance de vie des hommes ? Et que signifie la disparition des espèces animales ou végétales, quand la quasi-totalité de ces espèces (dont une grande partie vit en Amazonie) est encore totalement ignorée ? Qu'était la flore sous-marine pour nos ancêtres incapables d'aller sous l'eau ? Certes, le climat se dégrade, mais le progrès corrigera toujours ses propres dégâts. Regardez, le trou d'ozone est en train de se résorber, grâce à une politique vigoureuse ( d'après Hubert Reeves). Enfin, vous dîtes que le capitalisme engendre la violence et la solitude : croyez-vous que la société romaine n'était pas violente ? Avez-vous entendu parler de la croisade des Albigeois ? De l'extermination des Perses par Alexandre ? De la Saint-Barthélémy ? Pensez-vous que l'extermination des Indiens de Cuba et des Antilles par les Espagnols fut le fait de "capitalistes" ?

Heureusement, notre témoin à charge ajoute un autre arguments, imparable : "Le progrès, le savoir, la culture, les inventions, l'art, la civilisation sont la part gratuite de l'humanité. C'est parce que l'humanité réagit gratuitement aux destructions marchandes qu'elle progresse. C'est parce qu'elle invente la prophylaxie après la peste de 1270 à Marseille, parce qu'elle nettoie les plages polluées après le naufrage de l'Erika, ..."
"Heureusement, dans la dialectique marchand-gratuit, le gratuit finit par triompher". Mais sommes-nous condamnés éternellement à réparer, puis dépasser les dégâts liés à la cupidité ?
Beaucoup de penseurs se sont penchés sur la question d'une meilleure organisation de l'économie. Ce sont les socialistes utopiques (Fourier, Saint-Simon, Bazard, Enfantin, Proudhon, Silvio Gesell, Jacques Duboin). Leur lecture est autrement passionnante que celle des Friedman ou des Buchanan. Ils ont parfois proposé des "utopies", des "meilleurs des mondes". Méfions-nous des "meilleurs des mondes" car ce sont des prisons. Lorsque Fukuyama dit que le marché est indépassable, il pense : vous êtes à jamais en prison. Vous n'aurez jamais l'espoir d'aller au-delà du marché.

Mais nous n'avons pas la prétention de réfléchir au "meilleur des mondes". Laissons cela aux concepteurs de panoptiques. Simplement, ayant pris acte de la grande puissance du modèle libéral et des forces collectives qui le limitent, réfléchissons à la viabilité de formes économiques autres que marchande, et pouvant cohabiter avec elle. Après, tout est question de morale : à chacun de savoir s'il achète des objets produits à la sueur d'enfants martyrisés, de la nourriture empoisonnée par des agriculteurs, s'il préfère se déplacer à vélo ou en 4x4 en plein centre ville.

Bernard MARIS, Antimanuel Economique, tome 1.

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