9 juin 2010

Bourrage de classes


"Mobiliser les gisements d'efficience"? En clair, sabrer les effectifs de profs...
Figurez-vous qu'à l'Éducation Nationale on va "mobiliser les gisements d'efficience". Mais oui. Rien à voir avec les annonces de la semaine dernière, concernant de sympathiques expérimentations des rythmes scolaires dans une centaine de lycées et collèges : cours le matin, sport l'après-midi. Disert, citant Coubertin et Juvénal, notre sémillant ministre nous faisait rêver, imaginant nos chers petits passant joyeusement de la gym-cerveau à la gym tout court, abandonnant compas et règles de grammaire pour se jeter sur leurs raquettes de badminton. Des têtes bien faites dans des corps de rêve, une vraie pub pour une marque de cosmétiques.

Cette semaine, le ton est moins badin, et pour cause. L'info sort, brute de décoffrage, sans coiffure, ni maquillage, d'un document interne, confidentiel, et qui aurait dû le rester. De l'administration centrale à l'ensemble des académies, chacun est donc invité à retrousser ses manches et à plonger ses mains dans le cambouis des "gisements d'efficience" Quel nectar que cette novlangue technocratique, quelle fascinante perversité que cette opaque brutalité! De quoi s'agit-il en effet ? tout simplement de chercher, par tous les moyens, partout où c'est possible, du primaire jusqu'au lycée, des postes d'enseignants à supprimer. Pour tenir, coûte que coûte, l'objectif gravé dans le marbre par notre président de la République, son totem, son Graal : celui du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Qu'il faille sans doute mieux gérer les moyens de l'Etat, on en convient. Mais peut-être faudrait-il le faire avec une nuance, établir des hiérarchies, définir des priorités ? Sanctuariser, par exemple, le domaine de l'éducation, dont l'enjeu pour l'avenir est évident. Mais rien de tout ça. Cette règle est élevée au rang de dogme intangible.

Aujourd'hui, au ministère de l'Education nationale, l'horizon indépassable, le grand dessein, c'est de diminuer les effectifs. 49 400 postes ont déjà été supprimés depuis 2007, soit 6% des effectifs. L'objectif est d'en trouver 16 000 pour 2011. Alors on "mobilise les gisements d'efficience" et on "optimise", comme on dit au ministère, qui suggère, dans sa note confidentielle, des pistes pour faire des économies. D'abord bourrer les classes "afin d'optimiser les moyens d'enseignement". Et qu'importe si une étude, commandée à l'économiste Thomas Piketty en 2006, montre que le nombre d'élèves par classe influe directement sur les résultats scolaires. Dans le même esprit, il est conseillé de profiter au mieux de la réforme du lycée, celle-ci offrant, selon le ministre, "des possibilités significatives d'optimisation aux établissements", c'est-à-dire de regroupement des élèves de séries différentes dans une même classe pour les matières du tronc commun. "Optimisation" encore en matière de remplacement des profs absents, en recourant à des vacataires, "une ressource plus flexible" et qui coûte moins cher. "Optimisation" enfin, en se passant des Rased, ces enseigants spécialisés dans l'aide aux élèves en difficulté. Ou encore des assistants étrangers en langues - les langues, quelle importance ? Bref, de l'"optimisation" qui risque de virer à la démoralisation des enseigants et des parents. Il va y avoir du sport à l'école, écrivons-nous. On ne croyait pas si bien dire.

Michel ABESCAT, Télérama du n°3152, du 9 juin 2010.


Rased Rasé ?
"La question des moyens n'est pas la réponse aux problèmes de l'Éducation nationale aujourd'hui", a dit monsieur Chatel, ministre de l' Education nationale pour justifier les suppressions de poste. Et il ajoute : "adapter nos moyens à la réalité des élèves de chaque école, c'est ce que nous demande la Cour des comptes". Mais monsieur Chatel a une lecture très sélective car il oublie de dire que dans ce même rapport la Cour des comptes recommande d'"accroître la part des financements allouée à l'école primaire en privilégiant le traitement de la difficulté scolaire". Ce doit être pour cela que monsieur le Ministre envisage de supprimer les Rased (réseaux d'aides spécialisés aux élèves en difficultés), des postes en maternelle et en élémentaire ...
F. Alfonsi, courriel Télérama.


Oui où ?
Le ballon rond passe avant le "social". Miroir aux alouettes pour endormir le petit populo. Douze villes de France concernées. Combien de millions d'euros investis pour remplir des stades ? rien pour les crèches, l'education nationale, la recherche médicale, etc., qui représentent l'avenir. Où est la "crise" ?
M.O.Braschi, courriel Télérama


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