9 avril 2010

Il n'y a pas que le bouclier fiscal


Le bouclier fiscal, instauré en 2007 par la loi en faveur du Travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA), est contesté au sein même de l'UMP, pour son inéquité et son coût trop élevé. Mais d'autres mesures fiscales récentes mériteraient les mêmes critiques.

Suite au résultat des élections régionales des 14 et 21 mars dernier, le « bouclier fiscal », a été fortement contesté au sein même de la majorité. Ce dispositif symbolise certes le souci prioritaire d'alléger les impôts des plus aisés, mais d'autres dispositions, nettement plus coûteuses pour les finances publiques, devraient également être remises en cause après la crise. Ce serait indispensable non seulement pour rétablir l'équilibre des finances publiques, mais aussi pour restaurer le sentiment minimal de justice nécessaire à la préservation de la cohésion sociale. Et ce serait désormais possible du fait des efforts engagés au niveau de la communauté internationale pour lutter (enfin) contre les paradis fiscaux. C'est en effet, leur essor qui avait servi de justification aux multiples réformes fiscales visant à alléger les impôts des plus aisés. On n'en prend cependant pas le chemin.

Le "bouclier fiscal" avait été mis en place par Dominique de Villepin en 2006 puis renforcé en 2007 par la loi en faveur du Travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA). Ce dispositif a coûté 585 millions d'euros en 2009 et concerné 16 350 ménages, selon le ministre du Budget. Il permet de limiter les impôts des particuliers (CSG et CRDS comprises) à 50% de leurs revenus déclarés. Ce taux peut paraître élevé mais il ne s'applique pas en réalité à la totalité des revenus des ménages concernés car ceux-ci ont le droit de déduire des revenus qui servent à calculer ce taux, une partie de leurs dépenses…

C'est ce qui fait que les 1 % des Français les plus riches n'ont été taxés en moyenne en 2007 qu'à 20 % au titre de l'impôt sur le revenu, selon les éléments publiés le 1er avril dernier par l'Insee. Un taux qui a dû encore diminuer depuis, avec l'ajout de nombreuses « niches fiscales » supplémentaires et l'abaissement de 60 à 50 % du seuil du « bouclier fiscal ». Le « bouclier fiscal » ne constitue cependant que la pointe émergée d'un énorme iceberg : entre 2000 et 2008, ce ne sont pas moins de 24 milliards d'euros, 1,2 points de PIB, qui ont été perdus par l'Etat du fait des multiples réformes qui se sont succédées pour limiter les rentrées fiscales sur les revenus et les patrimoines des plus aisés.


Le « bouclier fiscal » n'est que la pointe émergée de l'iceberg

Montants perçus au titre de l'impôt sur le revenu, l'ISF et les droits de successions (en % du revenu disponible brut des ménages) et pertes de rentrées fiscales par rapport au niveau de ces impôts en 2000 (en milliards d'euros)

Pour l'instant, Nicolas Sarkozy a réaffirmé sa volonté de ne pas toucher au bouclier fiscal. Et il n'a pas été question de remettre en cause les autres éléments de la loi TEPA, comme l'allègement de l'impôt sur les successions, la diminution de l'ISF en cas d'investissement dans les PME ou les exemptions fiscales sur les heures supplémentaires. A l'exception toutefois de la très coûteuse déduction des intérêts des emprunts immobiliers (1,5 milliard en 2010, trois fois plus potentiellement à terme). Elle devrait être remplacée par une aide versée au moment de l'achat, sans pour autant revenir sur l'objectif de la campagne présidentiel de Nicolas Sarkozy de parvenir à une "France des propriétaires". Bref, l'indispensable tournant rooseveltien de la fiscalité française reste entièrement à engager.

Julien Duriez et Guillaume Duval | Article Web - Alternatives Economiques01 avril 2010

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